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Monsieur le Président

La journée d’hier devait être un grand jour : celui de l’annonce de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer.

Après l’arrivée à échéance du dernier plan en 2019 et une large consultation de plusieurs mois, voilà plus d’un an que, nous, malades et anciens malades de cancer, l’attendions. Que ce soit vous qui preniez la parole pour présenter le 4 février 2021 cette stratégie était pour nous un honneur et la promesse d’un geste fort.

La déception a malheureusement été à la hauteur de nos attentes… Nous avons assisté à l’énumération d’une longue liste de mesures générales, trop générales, sur des thématiques déjà identifiées depuis le premier anti-cancer en 2002, telles que : l’accès à l’innovation pour tous, la désescalade thérapeutique pour réduire les effets secondaires, la mise en place de soins de supports plus adaptés aux besoins et plus accessibles, la simplification des démarches administratives, la limitation des restes à charge, la lutte contre l’isolement et les inégalités, l’aide pour mieux concilier activité et maladie…

C’est bien et c’est important de tracer l’avenir des générations futures de patients à 10 ans, mais ce dont nous avons besoin, dès aujourd’hui, ce sont des mesures concrètes et précises pour faciliter la vie des 5 millions de familles touchées par le cancer en France.

Que peuvent retenir de ce plan les malades qui jouent leur survie et demandent l’accès à des traitements ? Cette stratégie ne dit rien de concret, par exemple, aux femmes souffrant d’un cancer du sein triple négatif -des femmes jeunes en pleine construction de leur vie- qui attendent désespérément de pouvoir bénéficier en France de thérapies accessibles dans d’autres pays.

S’agissant des soins de support, là encore, après la déception suscitée par par la mise en place du panier de soins, vous n’annoncez aucune mesure concrète quant à leur reconnaissance et à leur financement.

En tant que directrice d’association, un grand sentiment de découragement m’a donc envahie hier en vous écoutant devant mon écran d’ordinateur.

Nous RoseUp, comme d’autres acteurs de terrain, nous battons au quotidien pour développer des solutions innovantes de qualité et pour combler ainsi le vide abyssal en matière d’information et d’accompagnement.

Au sein de chacune de nos Maisons Rose, grâce à l’implication de nos équipes de professionnels, ce ne sont pas moins de 150 ateliers collectifs et individuels qui sont offerts chaque mois à nos adhérentes pour les aider à traverser la maladie, tant pendant qu’après les traitements. Nous comptabilisons ainsi en moyenne 500 passages de femmes par mois.

Depuis le début de la crise sanitaire et la fermeture temporaire de nos établissements, nous dépensons une énergie folle pour assurer la pérennité de nos structures et pour continuer à proposer un accompagnement à distance afin de ne pas laisser les malades sans rien (plus de 250 ateliers en ligne et webinaires, suivis par plus de 80 000 personnes au total entre mars et décembre).

Alors même que nous exerçons une véritable mission de délégation de service public, sachez, Monsieur le Président, que si nous ne comptions que sur les subventions publiques d’Etat, nous ne pourrions continuer notre travail. C’est principalement grâce au soutien de nos mécènes, des collectivités locales et de nos donateurs que nous parvenons à accompagner les femmes sur le chemin de leur reconstruction, tant physique que psychologique, et à rompre leur isolement.

Il est désormais urgent de reconnaître davantage les soins de supports -je pense notamment à la socio-esthétique ou à la remédiation cognitive- en dégageant enfin des financements à la hauteur des besoins réels.

Quant à la question cruciale de l’après cancer, les vraies réponses se font toujours attendre. Ainsi, les conditions ne sont toujours pas réunies pour garantir véritablement l’accès à l’emprunt. Là encore, les ex-malades de cancer n’en peuvent plus d’attendre. Une fois la maladie traversée, ils doivent encaisser refus ou surprimes d’assurance exorbitantes alors même qu’ils sont guéris, les empêchant de reprendre le cours de leur vie en faisant des projets d’achat immobilier ou de création d’entreprise. Pourquoi ne pas avoir profité de l’annonce de la stratégie décennale pour tenir une de vos promesses de campagne : la réduction du droit à l’oubli de 10 à 5 ans, au moins pour les cancers dits de bon pronostic comme nous l’avions proposé en 2015 ?

A tout cela, est venue s’ajouter depuis un an la crise sanitaire.

La pandémie de COVID fait peser sur les malades de cancer un stress envahissant avec les reports des traitements, le manque d’information claire, et la peur de sortir de chez soi en attendant d’accéder à la vaccination.

Plus que jamais, et pas demain, ni dans dix ans, ils ont besoin d’être entendus et accompagnés pour mieux vivre au quotidien et conserver toute leur place dans la société.

Oui, Monsieur le Président, comme vous l’avez dit hier, « l’amélioration de la vie des 5 millions de familles touchées par le cancer en France n’attend pas ».

Ne les décevez pas.

Isabelle Huet

Stratégie décennale contre le cancer : « Il faudrait prescrire les soins de support dès l’annonce du cancer »

C’est prouvé, les soins de support jouent un rôle majeur dans l’amélioration de la qualité de vie des patients. Mais sont-ils suffisamment reconnus et accessibles ? A l’occasion de la journée mondiale de lutte contre cancer, on fait le point sur ce qui existe et ce qu’on pourrait encore améliorer avec Florian Scotté, oncologue et chef du département des parcours patients à Gustave Roussy.

Journée mondiale de la lutte contre le cancer, le 4 février est aussi la date du lancement de la nouvelle stratégie décennale contre la maladie par le Président Emmanuel Macron. Parmi les piliers de cette stratégie : la préservation de la qualité de vie des patients. Cela passe par les soins de support. En 2002 déjà, ils étaient inscrits dans le premier plan anti-cancer. Une reconnaissance. Vingt ans plus tard, où en est-on, exactement, dans ce domaine ? « La France n’a pas à rougir de l’accompagnement qu’elle propose aux malades », estime Florian Scotté, Vice Président de l’AFSOS (association francophone pour les soins de support) et oncologue à Gustave Roussy. Mais, des progrès restent à faire…

Les soins de support ont-ils la place qu’ils méritent dans le parcours de soin des malades de cancer ?

Dr F. Scotté : La réponse est non. C’est un domaine indispensable, incontournable, où on a accompli de gros progrès en vingt ans, mais il faut faire plus. On devrait y avoir recours de façon anticipée, dès l’annonce du diagnostic. Or les soins de support sont encore prescrits trop tardivement, souvent  quand les problèmes liés au cancer ou aux traitements sont installés. Traiter la maladie reste la priorité, et c’est important évidemment, mais on gagnerait à appliquer systématiquement à la médecine oncologique la notion de « préhabilitation/réhabilitation » pratiquée en chirurgie. Cela consiste à préparer le patient, physiquement et psychologiquement, à une intervention pour éviter les complications post-opératoires et faciliter la récupération. En évaluant les faiblesses, psychiques, sociales, nutritionnelles, physiques, d’un patient avant même qu’il n’entre dans un protocole lourd, en prévoyant précocément ses besoins et en l’accompagnant, on améliore la tolérance au traitement, on diminue sa toxicité et, à la fin, le patient peut plus facilement reprendre sa place dans la société.

La mise place du panier de soins de support a quand même démocratisé l’accès à ces soins, vous parait-il aujourd’hui suffisant ?

Dr. F.Scotté : C’est vrai, il a permis qu’on reconnaisse qu’un accompagnement était nécessaire et qu’on définisse un socle de soins essentiels : prendre en charge la douleur, prescrire une activité physique, proposer un suivi nutritionnel, une aide psychologique etc. Sur ces thématiques, il remplit un rôle majeur. Mais des progrès restent à faire, notamment sur la préservation de la fertilité, la sexualité des patients. À la sortie des traitements, il y a un forfait annuel de 180 euros pour accompagner les patients. C’est bien, c’est déjà la reconnaissance qu’il y a un travail à faire. Seulement, avec cette enveloppe, qu’est-ce qu’on prend en charge ? Une consultation de psy, une de diététique et peut-être trois séances d’activité physique sur un an ? C’est insuffisant.

«  Il faut parler pour qu’il n’y ait plus de souffrance masquée »

 

A quel niveau faut-il agir selon vous  ?

Dr. F. Scotté : Il faut consolider l’information et la formation des équipes médicales comme des patients. Mobiliser les uns et les autres fait partie de notre rôle à l’Afsos. J’en profite pour passer un message aux patients et aux aidants. Aujourd’hui, les équipes médicales en France sont sensibilisées, et très mobilisées sur cette thématique. Ils doivent oser leur parler de leurs besoins, oser exiger que leur douleur soit prise en compte, oser dire qu’ils veulent avoir accès à une aide psychologique lorsqu’ils ont le moral à zéro. Il faut parler pour qu’il n’y ait plus de souffrance masquée, et pour que le personnel soignant puisse adapter le traitement et faire des propositions de soins de support.

Dans la nouvelle stratégie décennale de lutte contre le cancer, dévoilée le 4 février, on réaffirme la nécessité de préserver la qualité de vie des patients. Cela passe par les soins de support. Si il n’y en avait qu’un seul à développer, ce serait lequel ?

Dr. Scotté : L’urgence est de valoriser le travail des infirmières de coordination. Cela fait partie des soins de support. Plusieurs études ont démontré que le suivi qu’elles font, associé à un suivi digital, permettait d’améliorer la qualité de vie des malades, de diminuer le nombre de passage aux urgences et les délais d’attente pour le démarrage du traitement.  On a aussi relevé une incidence positive sur la survie des patients. Pendant la crise du Covid on a développé des applications pour suivre les personnes infectées à domicile, et pour ce suivi infirmier on a créé un tarif spécial. Il faudrait que nos infirmières de coordination en profite aussi. Cela permettrait de développer le lien ville/hôpital avec lequel on a encore du mal en cancérologie.

Propos recueillis par Sandrine Mouchet

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